

Julie-Marie Parmentier
Théâtre de campagne

Il y a fort longtemps, les murs n’étaient pas nécessaires pour faire du théâtre. Un sous-bois, une clairière, les arbres, le ciel, cela suffisait.
La Nature tout entière faisait office de lieu sacré, de spectateur, de décors, de costume, de personnage et de metteur en scène.
On célébrait le printemps et on dansait, on chantait, on priait pour que les récoltes soient abondantes, ou tout du moins, qu’elles nous permettent de vivre une année de plus.
Le Théâtre était sacré. C’était une prière, un rituel, une espérance, une rencontre avec la mort, un hymne à la vie. Du Théâtre dépendait notre survie. Si on jouait bien, alors, peut-être la nature nous viendrait-elle en aide, peut-être nous accompagnerait-elle dans cette nouvelle année.
On puisait la source créatrice dans la nature. Elle était notre mère. On n’avait pas besoin de mots ou de pièces de théâtre. Le silence. Le vent. Les oiseaux. Les insectes…
En ce temps-là, les hommes savaient lire les étoiles, n’avaient pas besoin de carte ou de compas pour trouver leur chemin. En ce temps-là, on ne se perdait pas. Car on était directement relié au Cosmos. La nature était le cordon ombilical entre le Cosmos et l’homme. On savait faire un feu et se guérir avec les plantes. On savait lire le passage des animaux et sentir le vent.
Les mots sons venus plus tard. Quand l’homme s’est cru intelligent. Il n’y avait aucune frontière entre le théâtre, le chant, la danse, les imitations, les acrobaties, les prouesses de force ou d’agilité. Tout cela était le Théâtre. C’était une célébration. La fête du printemps.
Avant, lorsqu’on faisait du théâtre, il y avait des chemins mystérieux, des rencontres inattendues, des bébés poussant dans le giron de leur mère, et des groupes d’adolescents rebelles et très furieux.
Des gourmands, des pressés, des affairés, des amoureux, des croqueurs de vie, des contemplateurs.
Tout poussait et mourait en même temps. Les odeurs étaient des océans de parfums.
L’herbe n’était pas tondue. Les graminées, les épis montaient à l’assaut du ciel… Le ciel, oh oui, le ciel…
Et puis, parfois, on fermait les yeux. Le chant de la nature. Juste le silence. Qui n’en est jamais un.
Et lorsqu’on rouvrait les yeux, tout avait déjà changé. Car tout change tout le temps. Chaque seconde unique et différente.
Alors, le temps se dissolvait dans la Nature et on pouvait goûter le temps des oiseaux, des herbes, des insectes.
Il n’y avait plus de frontière entre nous-mêmes et l’Univers. Nos sensations étaient celles de l’Univers, les sensations de l’Univers étaient les nôtres.
Et puis, au détour d’un chemin, la beauté pure. Une orchidée. Une orchidée dans un jardin.